11 juin 2012

Notre vie syndicale

Compte rendu du stage : « Reprendre la main dans le fonctionnement des établissements »

Stage «<small class="fine d-inline"> </small>Reprendre la main dans le fonctionnement des établissements<small class="fine d-inline"> </small>»

Collège Jas de Bouffan – Aix-en-Provence Vendredi 1° juin 2012

Stéphane Rio : introduction :

Les dix ans de politique éducative qui viennent de s’écouler ont eu des conséquences profondes sur le fonctionnement des établissements. On a assisté à un renforcement de l’autonomie des établissements dont la traduction essentielle a été le renforcement des pouvoirs des chefs d’établissement. D’autre part, il y a eu une multiplication des injonctions de la hiérarchie ce qui a affaibli les collectifs de travail.
Le but de cette journée est double : proposer une analyse des diverses réformes qui ont eu lieu et approfondir notre réflexion sur les propositions du SNES dans une période où nous pouvons reprendre la main sur nos métiers.
La journée est organisée en deux temps. Après une analyse des conséquences qu’ont eu les différentes réformes sur le fonctionnement des établissements, la journée se déroule en ateliers afin d’approfondir la réflexion sur les mandats du SNES et de hiérarchiser nos revendications (charge de travail et sens du métier ; communauté éducative et vie de l’établissement ; vivifier et soutenir le réseau syndical).

Laurent Tramoni : Les conséquences des réformes éducatives et du New Public Management dans le fonctionnement des établissements.

Le New Public Management a occasionné la gestion locale d’aspects autrefois centralisés. La succession de réformes menées par le gouvernement de Sarkozy a obéi à une stratégie visant à masquer la cohérence globale du projet, et ce n’est que tardivement que nous avons eu accès à une vue d’ensemble. A travers le principe de subsidiarité, l’Etat s’est déchargé de ses responsabilités en renvoyant au local la mise en œuvre des nouvelles politiques gouvernementales, lesquelles s’appuient sur de fausses évidences, telles que « tous les problèmes viennent de la situation locale », « les cadres, notamment statutaires, empêchent d’avancer », « il faut multiplier la contractualisation ». Mais en même temps que s’accroît le pouvoir des CE, notamment dans le domaine pédagogique à travers la réforme sur l’évaluation et l’institution du conseil pédagogique, les services publics sont fortement repris en main par l’Etat par le biais des Recteurs et des Préfets qui sont nommés par le Conseil des Ministres ; les IA ont été supprimés au profit des « Directeurs académiques des services de l’éducation nationale » et les IPR dépendent directement des Recteurs et non plus des IG.

Dans ce contexte, comment faire vivre un véritable contre pouvoir ? Les professeurs et les parents ne sont pas suffisamment armés et organisés pour faire face aux pressions des CE et les sections syndicales sont débordées. Le SNES s’est donné un mandat d’étude pour trouver des réponses collectives. Il y a par ailleurs une tension entre les préoccupations locales et celles plus générales : il ne faut pas perdre de vue l’ensemble des services publics et l’intérêt général.
Une certaine autonomie est par ailleurs nécessaire dans le domaine pédagogique pour appliquer les cadres nationaux aux réalités locales (DGH par exemple). Comment donc articuler liberté pédagogique individuelle et nécessité de travailler collectivement, en l’absence de temps de concertation et sous la pression ? Il faut remettre le CE à sa place de gestionnaire, utiliser l’espace des HIS, conquérir un temps de concertation inclus dans notre ORS (d’où notre mandat : temps de service baissé d’1 heure (car pas de diminution de l’ORS depuis 1950) + un forfait horaire comprenant un temps de concertation).

Ensuite, comment mieux articuler travail enseignant et travail de la vie scolaire ? C’est la lettre de mission (secrète) des CE, basée sur des indicateurs de performance, qui détermine les décisions du CE en matière de vie scolaire, puisqu’il sera évalué en fonction de la réalisation des objectifs fixés par sa lettre de mission. C’est pour cela qu’on trouve fréquemment dans les établissements la baisse du nombre de redoublements ou la non-inscription au DNB de certains élèves, dans le but de fausser les résultats de l’établissement.

L’une de nos revendications possibles serait une structuration collégiale qui permettrait de dissocier le CE, gestionnaire de l’établissement, et un collectif d’enseignants élus responsables de l’autonomie pédagogique et complètement affranchis du CE. A cet égard, la nouvelle loi d’orientation pour le système éducatif qui doit être votée à l’automne est une opportunité historique pour un vrai débat sur l’école dans lequel le SNES doit jouer son rôle pour la refondation de l’école et la démocratie dans les établissements. C’est pourquoi le SNES organisera à l’automne des Etats Généraux pour un autre type d’école, pour présenter notre plan d’urgence et ne pas laisser les grands clercs de l’Etat tout décider seuls.

Débat :

Les collègues ont souligné le danger de l’individualisation croissante qui isole les collègues : on fragilise les individus en niant le travail accompli ; de plus la solidité des S1 se heurte à l’autorité des CE. Est-ce que le statut du S1 pourrait s’apparenter à celui de délégué du personnel qui existe dans le privé ?

De même pour les élus au CA. Mais le statut de fonctionnaire est suffisamment protecteur pour qu’on n’ait pas besoin de celui de « salarié protégé » comme dans le privé.

Deux niveaux de lutte sont nécessaires : l’échelon local et l’échelon national, mais la question des moyens est centrale : que faire de la contrainte budgétaire imposée par l’Europe dans le contexte actuel ? Il faut lutter contre le ’’travail empêché’’ mais aussi contre le « travail inventé » : la transformation de nos missions nous empêche de faire notre métier et en plus on invente pour nous un travail qu’on ne devrait pas avoir à faire. Cependant l’existence d’indicateurs semble nécessaire : s’ils n’existent pas, c’est comme si on ne faisait rien.

Concernant l’épreuve d’HDA, au-delà de la charge de travail supplémentaire, elle pose un problème éthique par rapport à notre mission de service public.

Quant à la réforme des rythmes scolaires, pour nous, il faut revendiquer une diminution de l’ORS ainsi qu’une augmentation des salaires, plutôt que l’augmentation du temps de présence dans l’établissement et la diminution des vacances qu’on nous propose.

Pour les stagiaires, une décharge de 3 heures a été actée mais les supports 18 heures bloqués par les Rectorats le restent : la répartition des services pour les titulaires est donc amenée à évoluer.

Toujours concernant les stagiaires, la baisse des inscriptions aux concours est très préoccupante : il faut revaloriser nos métiers pour les rendre attractifs à nouveau.

Enfin, il ne faut pas oublier que les fonctionnaires sont les premiers citoyens, ils sont donc l’Etat, d’où la légitimité du paritarisme.

Atelier 1 : charge de travail et sens du métier :

Les mesures immédiates que nous réclamons :

 suppression du LPC car les enseignements et les pratiques pédagogiques sont pilotés par l’examen du DNB, c’est pourquoi il nous est impossible de refuser les injonctions successives. De plus le socle est devenu une excuse pour diminuer les exigences, y compris dans des établissements non-défavorisés !

 suppression de l’HDA (non cadrée)

 suppression du CECRL

 suppression d’ECLAIR

 suppression du décret sur le conseil pédagogique et abrogation du décret sur l’évaluation

 suppression de la nouvelle épreuve de LV pour le bac 2013 : les profs sont à la fois formateurs, concepteurs de l’épreuve et évaluateurs de leurs propres élèves !
 suppression de la privatisation des certifications en langue.

Les mesures à long terme pour la rénovation du second degré :

 redéfinition de nos missions car l’empilement des tâches nous a rendus réellement polyvalents ; il faut revenir sur les décrets de 50 par l’intégration de temps de concertation dans nos services et proposer la modularité des séquences d’enseignements (tout en refusant leur annualisation) qui n’est possible que par la baisse des effectifs par classe

 retour au cadrage national des examens : il faut notamment revenir en arrière sur le poids du contrôle continu pour le bac et supprimer les épreuves éliminatoires du DNB

 redéploiement des personnels administratifs afin de nous permettre de nous recentrer sur nos tâches premières

 cadrage des TICE (problème du développement de l’informatique : cahier de texte numérique, mails du CE du soir pour le lendemain... Une certaine forme de surveillance se développe et on ne sait pas dans quelle mesure nos données sont protégées, c’est pourquoi il faut réclamer un cadrage national basé sur la définition de ce qu’il est raisonnable de demander à un enseignant du point de vue des TICE, tout en assurant une véritable formation pour tous, et en demandant éventuellement que chaque enseignant soit seul administrateur de son CDT afin de décider lui-même qui peut y avoir accès)

 révision de la réforme du lycée technologique

 relance de l’éducation prioritaire

 hausse de la scolarité obligatoire à 18 ans, à articuler avec une réflexion sur nos missions et sur notre temps de service

 moratoires sur les programmes

 réflexion sur l’accompagnement éducatif (qu’est-ce qui relève du service public, qu’est-ce qui relève du bénévolat ?)

Il faut exiger que les réformes se fassent grâce à une concertation réelle et non plus par une imposition verticale et brutale de nouvelles prescriptions.

Atelier 2 : communauté éducative et vie de l’établissement :

Les mesures immédiates que nous réclamons :

  • Retrouver les prérogatives des élus au CA, qui ne sentent plus leur poids lorsque l’on s’assoie sur leur vote (cas de la dgh, du label éclair), ou bien qu’on leur refuse un vote demandé (se prononcer sur l’installation d’un internat d’excellence au sein de l’établissement). Le but est alors de redonner au CA son caractère démocratique, qu’aucune discussion ni vote n’y soit boycoté.
  • Envisager la compatibilité temps de concertation/conseil pédagogique et en tout état de cause demander des heures banalisées pour travailler en équipe. Un temps de discussion entre collègue est indispensable, autrement que sous la direction du chef, avec des enseignants choisis, et sous forme consultative.
  • Des inspections plus fréquentes (tous les 3 ans) ou bien un avancement unique (au rythme le plus favorable) complètement déconnecté de l’évaluation. L’objectif étant d’avoir l’assurance d’un avancement juste, réel et le plus possible déconnecté
  • de l’appréciation du chef d’établissement.
  • Des cadrages nationaux pour faire disparaître les flous et les implicites, sur les tâches à accomplir au quotidien (b2i, histoire des arts, réunions pour projets divers, devoirs communs, validation du socle, note de vie scolaire…)
  • Exiger la transparence des actes administratifs (distribution des HSE par exemple), ne pas accepter que de telles opérations de gestion restent opaques, et exiger qu’elles soient discutées.

En bref, nous voulons retrouver un rapport harmonieux à la hiérarchie, qui permette le dialogue, qui laisse une place à l’avis des enseignants de manière démocratique, pour que les professeurs ne soient pas sous le joug de leur chef, comme l’aurait voulu le gouvernement Sarkosy.

Atelier 3 : vivifier et soutenir le réseau syndical :

Les militants et les secrétaires de section en particulier, sont parfois très exposés et pris par de nombreuses tâches : affichage, collecte des cotisations, organisation et animation des heures d’information syndicale, délégations, participation au conseil d’administration...

Il apparaît indispensable, au sein des établissements, de vivifier le collectif pour lutter contre les effets du New Public Management et pour reprendre la main sur le métier. Pour que la section syndicale puisse jouer pleinement son rôle, les participants au stage ont proposé des pistes sur lesquelles nous devons travailler :

• former les S1 et les militants par bassin dès le début de l’année scolaire afin de constituer un réseau syndical pour sortir de l’isolement et pour se former à la protection des collègues ;

• proposer un programme annuel de stages (ex : l’organisation du SNES, son rôle dans les instances paritaires, formation du S1...) ;

• installer un bureau de la section syndicale : les militants se répartissent ainsi les tâches ;

• les S1, en assistant aux Commissions Académiques du Snes, font remonter les informations concernant leur établissement ;

• revendiquer une décharge horaire pour les représentants des personnels de façon à pouvoir faire le travail d’information et d’accompagnement des collègues, de préparation des conseils d’administration... ;

• faire intervenir la FSU pour organiser des HIS spécifiques (agents par exemple) ;

• diminuer la cotisation syndicale des stagiaires et clarifier nos mandats à l’attention des nouveaux collègues, en particulier du point de vue pédagogique.

De plus, une nouvelle instance permettra aux S1 de faire connaître les situations portant atteinte à la santé et aux conditions de travail de leurs collègues :

le Comité Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail académique et départemental. La FSU y possède 5 sièges sur 7 et a proposé de lancer des enquêtes sur la santé des collègues en service partagé et sur les risques psychosociaux des collègues en conflit avec leur hiérarchie.

Mais dans les EPLE, les S1 peuvent aussi investir les Commissions Hygiène et Sécurité dont les compétences s’étendent à tout ce qui a trait à la sécurité et à l’hygiène : équipements, machines, locaux, programme de formation et de prévention des risques, suivi des registres, etc. La commission peut aussi faire des propositions pour l’amélioration des conditions de travail dans l’établissement.

Compte-rendu réalisé par Emile Gendry, Séverine Vernet et Sandra Weisz