3 mai 2011

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L’école publique malade de la concurrence. Le cas des collèges d’Avignon

Réunion publique, 3 mai 2011 Organisée par la FSU

«<small class="fine d-inline"> </small>L'école publique malade de la concurrence. Le cas des collèges d'Avignon<small class="fine d-inline"> </small>»

A Avignon, sur les niveaux collèges, l’idée d’une école à la Ferdinand Buisson (« le triomphe de l’esprit laïque […] C’est de réunir indistinctement les enfants de toutes les familles et de toutes les Églises pour leur faire commencer la vie dans une atmosphère de paix, de confiance et de sérénité » ) est menacée sur Avignon.

Les logiques concurrentielles et socio-ségrégatives sont en forte accélération sur les dernières années. C’est la concurrence du privé qui est la plus forte, même si celle entre collèges publics a augmenté aussi avec l’assouplissement de la carte scolaire, et tous les collèges sont touchés, quelle que soit la diversité de leur offre d’options et de langues.

C’est ce que montre une étude faite d’après les chiffres de l’IA 84 et du Rectorat (enquêtes lourdes 2004-2010). Celle-ci est très précieuse et le SNES-FSU la livre aujourd’hui pour 4 raisons :

1) elle porte sur le collège. Niveau de tous les dangers du parcours scolaire obligatoire pour les élèves (en termes de sécurité et d’échec, donc d’orientation). Niveau de souffrance aussi pour les enseignants.

2) Ses données sont rares : non seulement on a des chiffres sur le public mais aussi sur le privé (difficile) mais de plus on ne voit pas seulement la répartition des effectifs dans les collèges, une fois que les choix ont été faits ; on voit les élèves par secteur, diapo 2 les stratégies des familles en fonction de leur localisation et de leur CSP.

3) Elle est d’une grande précision dans un domaine où le flou règne en maître et où les affirmations péremptoires vont bon train :

« Le succès croissant de l’école privée va obliger le système public à se réinventer », par Sophie Roquelle , Le Figaro, 15/10/2007
« Longtemps, l’école privée a été le sanctuaire des enfants des familles aisées et des élèves dépassés dans le public. La qualité de l’enseignement n’était pas toujours au rendez-vous. En cinq ans, tout a changé. Le choix public/privé n’est plus idéologique, il s’est banalisé. La situation sociale des familles joue moins qu’auparavant. »

4) car calendrier électoral.

Précautions :

1) pas de procès des familles. Choix individuels rationnels. Mais la question du jour : le mode d’organisation est-il lui rationnel ?

2) pas d’attaque des collègues du privé

3) pas de surdétermination du social : il y a des bons et mêmes de très bons élèves partout, des élèves en difficulté scolaire dans tous les milieux sociaux. Mais c’est une question de proportion. Et là, on sait que le milieu social est déterminant (par l’environnement matériel et culturel qu’il crée) dans la capacité d’apprentissage.

4) C’est une étude sur Avignon. Mais si ce qu’on constate ici ne vaut que pour Avignon, que le privé le prouve !

I La bataille des effectifs :

la victoire du privé signifie-t-elle l’échec du public ?
Passage de 20 à 24 % des effectifs dans le privé en 6 ans (moyenne du département et nationale en 2009 = 20%)
Pire encore sur le seul niveau 6e : 27 % !

On nous dit : c’est un constat d’échec pour le public. Il faut améliorer votre offre !

1re réponse :
si c’est une question de qualité, pourquoi hors des grandes villes, les parents ne font pas ce choix et restent dans l’école publique (le taux du Vaucluse est stable à 20 % / + collège de Morières où on se bat pour être inscrit ! Ce sont pourtant les mêmes profs...)

II Améliorer l’offre pour augmenter « la part de marché » ?

Les établissements les plus fuis sont ceux où l’offre est la plus riche en options, carte des langues, classes à horaires aménagés.

Importance première de l’aire de recrutement : les zones à cheval sur l’IM et l’EM créent des départs car elles sont très hétérogènes socialement.

Qui sont les 1757 utilisateurs du privé ?

III Un privé qui s’ouvre à toutes les catégories sociales ?

Au contraire, la seule catégorie sociale qui augmente en valeur relative et même en valeur absolue (dans un contexte de baisse démographique !), c’est celle des Favorisés A dans le privé. En 2010, les 2/3 de cette catégorie ne sont plus utilisateurs du public. Alors que les collèges publics accueillent en moyenne 57% de défavorisés, le privé n’en a que 17%, soit moins qu’en 2004 !
La ségrégation socio-scolaire par le choix public/privé est donc en très forte accélération.

IV Conséquences de la concurrence dans les collèges publics.

Les difficultés dans une classe naissent des problèmes des élèves qu’on a, mais aussi de l’absence (ou de la proportion insuffisante) d’élèves qui vont bien, « scolaires », et dont la progression va servir à l’ensemble du groupe.
Quand les proportions des CSP sont trop inégales, la mixité sociale intenable pousse les établissements à refaire à l’intérieur des sous-ghettos en créant des filières d’excellence (bilangues, euro, chamtd)

Conclusion

Que les pauvres utilisent moins le privé, on le savait. Ou plutôt on le sent. Et sentir et savoir, ce n’est pas la même chose :

1) le constat change : on passe, dans notre ville, de collèges publics en crise à des collèges des publics en crise. Le problème de l’école reprend une dimension sociale, une dimension de classe, que beaucoup voudraient faire oublier en renvoyant toujours la responsabilité de la réussite ou de l’échec à des individus plus ou moins méritants (les élèves d’abord, les profs ensuite).

2) le regard sur certaines mesures en cours dans les collèges change. 2 exemples :

  • les collèges CLAIR qui peuvent déroger aux programmes nationaux et dont l’exigence minimale sera de délivrer le livret de compétence qui validera le socle commun mais ni le brevet des collèges ni le passage au lycée seront un repoussoir pour tous ceux qui comptent encore sur l’école pour assurer la promotion de leurs enfants et qui n’avaient pas encore fait un choix de contournement.
  • Les internats d’excellence, chargés d’extraire de ces collèges de la relégation 2 ou 3 enfants / an pour les placer entre bons élèves dans des internats loin de leurs familles et loin de leurs milieux, considérés comme « irrécupérables ».

3) La contradiction des discours péremptoires tenus par les ministres (Robien en 2006 sur la mission de service public exercé par le privé) ou les journalistes (Figaro) sur la prétendue démocratisation de la clientèle de l’école privée est possible : à Avignon, c’est faux. Les classes moyennes et défavorisées sont proportionnellement moins nombreuses dans le privé qu’elles ne l’étaient il y a 6 ans. Les classes défavorisées ne représentent que 17% de leur clientèle quand c’est 57% dans les collèges publics.

4)L’action est possible : ce n’est (pour une fois !) pas une question de limite financière (on investit déjà tous plus de 7 milliards dans cette école ouvertement ségrégative) mais de décision politique. Celle qui a été prise en 1959 l’a été dans un contexte très différent (allongement du temps de scolarité obligatoire de 13 à 16 ans, accueil difficile de tous les élèves par l’Etat / argument sur la liberté de faire inculquer à ses enfants des valeurs religieuses qui sont aujourd’hui reléguées au 2nd rang par les familles). Il faudrait donc la toiletter, la dépoussiérer (comme certains disent si souvent quand il s’agit du code du travail !).

C’est pourquoi le SNES-FSU Vaucluse a proposé à ses partenaires du collectif « un pays, une école, notre avenir » d’interpeller les partis politiques en phase d’élaboration des programmes sur l’opportunité pour la collectivité de continuer à financer un système scolaire non pas dual, mais ouvertement ségrégatif.